LE PASSE MUSICAL DE REIMS ET DE LA CHAMPAGNE-ARDENNE

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NATURE'S MISTAKE


1969 / 1972
Jean-Luc CHEVAILLIER – trombonne
Claude DEL MEDICO – sax ténor
Jean-Paul DEL MEDICO – trompette
Alain DUCROT – trombonne
Marc DUCROT – sax ténor puis batterie
Daniel EGISTEI – chant (voir zorgus)
Jean-François GUILLOT – trompette
Guy JAILLET – basse
André MASSY – guitare
Gérard POVILLON – claviers
Jean-Marc ROZE - batterie
Jean-Pierre SENE – trombonne et tuba
Alain SEVERS – guitare


André Massy

Claude Jean-Paul et Alain

Marc et Jean-François 1970

Treize musiciens qui se sont alternativement produits dans ce groupe où régnait une super ambiance.
Dans un premier temps et dans une salle de répétition située sous la mairie d’une commune de l’agglomération de Reims (où on pouvait jouer à fond les ballons sans gêner personne) ce groupe a pas mal répété dans le style soul avec la mise au point de chorégraphies conçues et mises en place par Jean-Marc (qui quittait régulièrement son siège de batteur pour donner les indications de jeux de scène, remontait sur sa batterie, puis redescendait pour corriger les pas des souffleurs plus occupés par leurs partoches que par la mise en scène etc. (prises de tête et coups de gueule allaient bon train mais toujours dans la bonne humeur).
Jean-Marc quitte le groupe pour quelques mois et Marc, le saxophoniste, le remplace avec talent à la batterie. Ce type jouait pratiquement de tout ce qui était susceptible de produire de la musique…avec une nette prédilection pour les instruments à vent et à percussion.
- Jean-Luc, était un musicien accompli, déjà professionnel malgré son jeune âge et doué d’un talent incontestable. C’était un amateur de bons vins et quelques conversations ont convaincu certains de s’initier à la chose…Ce fut une révélation !
- Claude était au conservatoire, en classe de basson, mais soufflait dans son sax comme s’il avait fait ça toute sa vie, il avait envisagé d’amener son « biniou » pour l’essayer en scène. Un groupe de rock avec basson, ça n’aurait pas manqué d’originalité.
- Jean-Paul, un véritable artiste, était au conservatoire en classe de trompette. Il avait le goût des choses bien faites et n’était jamais pleinement satisfait de ce qu’il produisait. C’était par ailleurs un dessinateur remarquable et la salle de répétition était décorée de tous les graphismes qu’il imaginait possibles pour de futures affiches, avec les sous-vêtements féminins comme thème dominant. (Ce qui, il faut bien le dire, ne gênait personne).
- Alain, c’était l’intello du groupe, il relevait sur les disques et transcrivait sur partitions les parties de cuivres et insufflait un savoir musical encyclopédique aux autres. Lui et Guy était de vieilles connaissances puisqu’ils s’étaient côtoyés dès 1958 à l’école primaire puis au lycée sans jamais se perdre véritablement de vue.
- Jean-François, en classe de trompette au conservatoire, c’était un cœur d’or débordant d’enthousiasme pour le groupe. Un soir, il s’est infligé une courbature (une déformation de la lèvre due à l’effort) ce qui fut un réel drame car seule une inactivité d’un an vient à bout de ce problème. Il dut donc s’arrêter de jouer, lui qui n’en avait jamais assez.
- Jean-Pierre, étudiait le tuba au conservatoire et l’entendre jouer de ce truc était un vrai bonheur. Cela avait presque le son d’une basse fretless, instrument qui n’avait pas encore été inventé.
- Alain SEVERS, embauché à la guitare rythmique était doté d’un sens de l’humour dévastateur et d’un physique particulièrement émacié qui lui avait valu de se faire gentiment surnommer « haute tension »…

Après l’abandon progressif de la soul, car la musique qui captive ces passionnés vient de groupes tels Chicago - Blood Sweat & Tears et autres « mini big bands » c’est dans ce dernier style, que le groupe se forge un répertoire et se produit en particulier à Reims - salle des Comtes de Champagne ( le 17/10/1970 ) – à Ambonnay le jour de Noël – à Jalons les vignes ( 10/01/1971) - à la Cerisaie (15/01) à Francheville (17/01) à Tinqueux (10/04) – à Vailly sur Aisne (le 24/04) à Courtisols le (08/05).

Mais il est difficile de faire vivre un groupe aussi nombreux et les contraintes économiques conduisent à réduire la voilure.

L’expérience à cinq musiciens avait déjà été conduite les 28 29 et 30/08/1970 à Taissy dans une ambiance très farfelue. Ceux qui ont vécu ce moment se souviendront, pour les autres, tant pis, ils ne savent pas ce qu’ils ont perdu…
Le dimanche après midi, baston ! Comme il va de soi, mais entre deux filles (ce qui va déjà moins de soi) tessons de bouteilles à la main – terrifiant !
Mais il faut continuer à jouer…
« Pourquoi avez vous choisi ce nom ? (L’erreur de la nature) demande une organisatrice : « regardez nous, vous comprendrez ! » Lui fut il répondu.
Invariablement cette réponse fut utilisée à chaque fois que la question fut posée.

Parallèlement André, Gérard, Guy et Jean-Marc constituent le groupe d’accompagnement de Claude POVILLON, qui interprète ses propres chansons dans divers galas et en particulier celui organisé par le journal l’Union pour son trentième anniversaire.

Cela s’est passé place du Boulingrin, en plein air devant 10 000 personnes « 10 000 !!! ».
Les musicos sont tétanisés par le trac…
Impossible d’exprimer le moindre mot, Jean-Marc est pâle comme un mort, Guy dévoré par l’anxiété aspirant à être ailleurs, Gérard ne respire plus mais reste calme et Dédé est écroulé de rire à regarder les autres…
Claude n’apparaît qu’au tout dernier moment, lorsque les musiciens sont déjà sur scène dissimulés derrière le rideau fermé…
Et soudain, 1 2 3 4, c’est l’explosion, le premier morceau commence au moment même où le rideau s’ouvre et le trac s’envole instantanément.
C’est le trou noir, les projecteurs en pleine face nous ne voyons pas le public et c’est le pied absolu pendant quarante-cinq minutes.
Comment oublier ce moment magique ?
Comment oublier les textes des chansons de celui que nous avions le privilège d’accompagner ?
« ..La musique est ma vie, mon piano mon ami… »
« …Femme ton prénom, je le confie à ce grand piano… »
« …Ce concerto que jamais je ne jouerai, j’en rêve, j’en rêve… »
« …Les soldats de l’an 2000 seront inutiles, inutiles… »
Comment oublier la réponse du public…
Les spectateurs étaient là, nombreux et, sans les voir, nous sentions l’immensité de la foule au volume sonore des applaudissements…

En mai 1971 la formation à cinq membres devient définitive :

Daniel EGISTEI – chant
Marc DUCROT – batterie, rapidement remplacé par Jean-Marc ROZE, de retour
Guy JAILLET – basse - chant
André MASSY – guitare - chant
Gérard POVILLON – claviers

Daniel, c’est une voix à la Joe Cocker, avec un coffre énorme, c’est une présence en scène qui ne s’oublie pas, c’est aussi un colossal déconneur avec qui il est impossible de s’emmerder. Ce mec vaut tous les antidépresseurs de la terre. Il aurait du être déclaré d’utilité publique !


photo prise en 1971 : "en haut à gauche, Guy et juste devant (avec un large sourire) Jean-Marc."

Gérard outre ses claviers s’occupe des finances du groupe. Il est étudiant à l’ESC de Reims et expérimente grandeur nature ce qu’on lui enseigne. Il se fait, pour la rigolade, la réputation d’un type « près de ses sous » Sa phrase préférée lors de chaque rencontre : « Salut, tu vas bien ? Combien tu me dois déjà ? »
Le groupe va énormément tourner, dans la Marne, l’Aisne, l’Oise, la Somme etc. On le retrouve notamment à Reims à l’Hôtel de l’Univers le 19/12/1971 puis toute l’année 1972 dans une multitude de lieux (le Paris à Fargniers – le tonneau à Trainel – Le trianon à Noyon – le Keijo à Reims (avec Claude Povillon), du 1er au 14 avril, toutes les nuits, (le set débutait à 1h30) - aux celliers Heidsieck – à Villenauxe la grande – à Chauny (concert filmé. Nous recherchons les bobines) - à Noyon – à Villers les Noyon (établissement borgne, mais alors vraiment borgne) si, si !!! – à Chauny lors d’un festival de plein air avec en particulier Mama Béa Tekielski et le groupe Eve, dans une ambiance à la Woodstock.
A partir de cette période le groupe s’est adjoint un éclairagiste qui est aujourd’hui bien connu du showbiz puisqu’il s’agit de Jean-Jacques FREMAUX, qui commençait alors à allumer ses loupiotes.

– Ils jouent également à Béthisy-Saint-Pierre le 3 juin, dans une boîte tenue par « le gangster » si, si !!! Et où le malheureux bassiste se fait casser la tête par quelques spectateurs avinés. Et ça va continuer comme ça, sans trêve ; le 15/10, Marc DUCROT remplace Jean-Marc qui décide de mettre un terme à sa carrière….
(Il remettra ça un peu plus de 30 ans plus tard ! mais chut ! ça c’est une autre histoire).
Le 17 décembre un concert donné aux salons Degermann couronnera ce parcours du combattant. Les nature’s sont crevés, lessivés, essorés. Et décident de souffler un moment, en fait durant l’année 1973 où tout le monde se ressource.
En réalité, sans douleur ni amertume le groupe a cessé d’exister…

C’est l’occasion pour Guy de rencontrer deux fabuleux guitaristes, Francis DRUART et Jackie PETITJEAN qu’Alain DUCROT lui présente et avec lesquels est monté un concert à la maison commune du chemin vert, avec Marc DUCROT à la batterie et un claviériste de rencontre.
PAST est le nom qu’ils se sont donné. Le concert est une longue improvisation où chaque musicien propose un thème repris par un autre et relancé sous une autre forme par un troisième pour être de nouveau transformé etc. un pied phénoménal et qui eut l’heur de plaire au public nombreux et attentif.
Ce groupe n’a pas vu le jour, c’est un regret profond pour ceux qui espéraient son éclosion. C’est, encore aujourd’hui, un rêve rétrospectif pour certains…

Mais les musiciens sont gens incorrigibles et la musique est une drogue (non prohibée et même vivement conseillée) à haut degré d’accoutumance. C’est ainsi que certains se trouvent de nouveau, embarqués dans les situations les plus inattendues :

Charles DELAFORGE, Alain DUCROT, Guy JAILLET se retrouvent dans « OPUS » avec lequel ils se produisent le 12 janvier 1974 au vendangeoir Sainte Hélène en compagnie notamment de Daniel SINTIER, talentueux chanteur des rockers d’Epernay.
Alors que la balance son était presque terminée « Dan Sintier » arrive s’empare du micro et prend en cours de route Long tall Sally. Tous les vu-mètre sont partis dans le rouge : balance à refaire. Alain s’arrachait les cheveux (qu’il avait particulièrement longs).
A la guitare dans ce groupe, Francis DRUART (retrouvaille !) et son solo dans « Listen » de Chicago, impressionnant !
Le 2 février, le groupe se produit à Damery avec Robert CARPENTIER, clone vocal de David Clayton-Thomas.

Charles DELAFORGE, Daniel EGISTEI, Guy JAILLET et André MASSY se trouvent embauchés par un tourneur de Noyon qui les fait travailler dans la région Picarde entre février et juillet 1974 avec un batteur du cru : Patrice PERIN.
Super ambiance dans le groupe « les zodiaques »
- au moment du départ vers l’Oise, plaque tournante du groupe : quatre dans une même voiture sans souci du matériel, toit ouvrant à fond.
- au moment de l’arrivée chez l’Hôte, à Noyon, et ses délicieux dîners (ah son coq au vin ! )
- et pendant les concerts incandescents dont l’intensité guérie de tous les maux.
Charles, souffrant de lombalgie l’a ainsi exprimé à la fin d’un set : « le meilleur remède contre le mal de dos? Jouer du Rock n’ roll ! » (Et ça ne coûte rien à la sécu !)
Et ça va encore tourner au marathon musical. Les dates s’enchaînent à un rythme !!!
Le 27 juillet, le groupe donne son dernier concert, dans cette formule, à Esmery Hallon dans la Somme. Si quatre des cinq musiciens sont des rémois d’appellation d’origine contrôlée, jamais ce groupe ne s’est produit dans la Marne

En août, on retrouve Marc DUCROT et Guy JAILLET au sein des « WIMPYS » groupe qui va énormément tourner (encore !) dans les Ardennes où il animera des soirées où se produiront en vedette Serge Lama - Frédéric François – Pierre Charby - Nicoletta etc.
James LECLERC (ex Meeterlings) qui tenait la batterie dans ce groupe a été remplacé par Marc, après un terrible accident de voiture qui a failli lui coûter la vie.
Le guitariste de ce groupe, Patrice BONNEFOY, a joué avec les Jokers au tout début des sixties. Aujourd’hui, il enseigne la musicologie au conservatoire de Reims. Respect.
Ce groupe interrompra sa carrière dans la deuxième moitié des seventies.

La passion ! Voilà ce qui habitait tous ces gens qui n’ont eu comme seule ambition et souvent en prenant des risques, que de se faire plaisir en permettant aux publics qui se déplaçaient pour les entendre de passer un bon moment.

Cette passion est toujours intacte pour la plupart d’entre eux ; soit qu’elle s’exprime par une pratique permanente de la musique, soit qu’elle couve comme de la braise sur laquelle il suffit de poser une simple bûche pour que renaissent les flammes.

Que sont ils devenus après toutes ces années ?

La vie a été trop courte pour Jean-Luc CHEVAILLIER emporté par la maladie, avant d’avoir atteint l’âge de 30 ans.
Gérard NESBY, parti en vacances en Espagne a trouvé la mort à bord de sa voiture en juillet 1974, lui aussi était très jeune. Il avait su, un jour, préserver la vie de ses passagers, mais pas la sienne ce jour là…
Claude DEL MEDICO est titulaire au pupitre des bois à l’orchestre symphonique de Bordeaux (direction Roberto BENZI) où il joue du basson, mais probablement plus du rock.
Gérard POVILLON est installé dans le Var, au soleil, où il pratique régulièrement le piano bar.
Claude POVILLON a conduit sa carrière à Paris où il a écrit pour Jacqueline DANNO, Cora VAUCAIRE qu’il a également accompagnées au piano et a passé plusieurs années au Japon…
Guy JAILLET a tourné en 1997 en qualité de bassiste remplaçant, avec Sam and the Soulmen, son propre fils Franck y tenait la batterie. Ils se sont produits en particulier à Epernay, en Américaine, lors du Chicago Blues Festival au mois de novembre.
Jean-Marc ROZE a fondé son propre groupe avec notamment Valérie et Peggy MASSY, les filles d’André.
André, notre Dédé, est décédé brusquement en mai 2004. C’était un amoureux du blues, le vrai, celui des campagnes du deep south.
Comment oublier sa manière de jouer « No title Boogie » sur sa Guild demie-caisse…
Que l’éternité lui soit douce…

Les autres ? On pense et espère qu’ils vont bien.
Guy et Jean-Marc, après bien des années, se sont retrouvés le 13 avril 2006 où ils ont commencé à évoquer 41 années de souvenirs…

Merci à Julien ROUYER de nous avoir donné l’occasion de nous replonger dans ce passé qui a été notre jeunesse.

les photos qui suivent m'ont été envoyées par daniel egistei. merci à lui :

Daniel Egistei



Guy Jaillet


André Massy

Gérard Povillon nous écrit : "Je suis Gérard POVILLON, ex-organiste des Nature's Mistake dans les 6ties.
Bravo pour les infos nostalgiques sur le groupe.
Je précise que Guy Jaillet est trop modeste sur son propre compte (je sais que c'est lui qui vous a concocté les souvenirs). Il faut savoir qu'il mérite une "basse d'or", car il a toujours cumulé le don, la technique de virtuose, et le travail, l'oreille collée à l'électrophone. La basse, c'est ausi la base des accords et de la rythmique; mon orgue était toujours placé près de son énorme ampli Ampeg qui me distillait ses 200 watts dans les oreilles. C'est dire que je me rappelle bien Guytou ! Un souvenir "très fort".
J'avais commencé l'orgue grâce à lui. Je pianotais chez moi comme tout le monde quand Guytou m'a invité a rejoindre ses potes et lui, qui venaient de dissoudre les Pops. Il m'a prêté puis revendu son orgue qu'il quittait définitivement pour la basse. Dès le premier morceau sur trois accords (de Booker T) j'ai été grisé par le fait d'être au milieu d'un ensemble de sons harmonieux, et d'en produire moi-même ! C'était mon premier pied en musique, bien que de toute petite pointure alors. Pour être bien dans un groupe, il faut sans cesse savoir admirer le talent des autres. C'est ce que je faisais tout au long des 5 heures où on jouait ensemble; ça m'a toujours fait oublier la fatigue."

Fleur Povillon (fille de Gérard) nous écrit : "j’ai beaucoup rie en lisant et surtout en découvrant les images du célèbre groupe des nature’mistakes. Mon père est la petite crevette sur le tas de betteraves (Gérard Povillon) ! Un léger complément à apporter concernant son frère, il n’a passé que quelques semaines au Japon et non pas quelques années. Et aujourd’hui il est pianiste au Georges V à Paris après avoir passé je crois 11 années au Ritz. En tous cas, la musique ne se transmet pas dans les gènes, il n’y aura pas d’héritier dans le clan des Povillon. Alain Severs est resté un bon copain de mon père.
Merci pour votre travail de compilation. Si vous obtenez des extraits vidéo de leurs concerts, n’hésitez pas à me le faire savoir !
Fleur POVILLON"

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